mIxité : de nouvelles solutions pour les formations
En Beaujolais comme en Bretagne, des équipes pédagogiques ont misé sur le mélange des parcours, des âges et/ou des modalités de cursus au sein d’une même classe ou d’un même diplôme. En particulier pour pallier le manque d’effectifs, pour s’adapter aux incidences des réformes, aux profils variés ou aux enjeux du futur.
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Dès 2010-2012, la rénovation de la voie professionnelle, en particulier celle du bac pro, a stimulé des expérimentations pédagogiques pilotes. Certaines équipes ont notamment mis en œuvre la mixité des publics, entre apprentis et scolaires. Ces stratégies tentent de créer des situations d’apprentissage adaptées aux progressions et aux calendriers de personnes ayant des statuts différents. Des initiatives innovantes proposent des temps et/ou des espaces où tous les élèves ne font pas la même chose en même temps. Des choix sont offerts, des parcours sont aménagés.
Ainsi l’équipe pédagogique du lycée viticole de Belleville-en-Beaujolais (69) accueille dans la même classe des élèves et des apprentis préparant un bac professionnel Conduite et gestion de l’entreprise agricole (CGEA, en l’occurrence vigne et vin). Selon les ressentis exprimés*, les résultats sont probants.
Côté gestion des exloitations, horticulture et paysage, depuis de nombreuses années la mixité est un sujet de préoccupation dans le réseau des trois établissements de formation – CFA de Kerliver, à Hanvec, lycée de l’Aulne, à Châteaulin, et lycée agricole et maraîcher de Suscinio, à Morlaix –, tous dans le Finistère. Notamment parce que des classes de seconde professionnelle avaient tendance à fermer, faute d’élèves en nombre suffisant. Dans ces établissements rassemblés en EPLEFPA**, on pratique les différentes formes de formation (scolaire, apprentissage, sessions pour adultes) en fonction de chacune des structures dans les trois sites (lycée, CFA, CFPPA). Mais de là à associer les apprenants dans une même classe... c’est pourtant dans l’air du temps.
1.Le scolaire puis l’apprentissage dans le même parcours
L’équipe pédagogique du lycée de Suscinio a expérimenté un parcours mixte encore innovant. Dans son bac pro CGEA, les élèves débutent leur parcours par une seconde pro (soit gestion des exploitations agricoles, soit productions végétales) en formation scolaire classique.
S’ils choisissent ensuite l’insertion professionnelle comme priorité, alors, pour leur première et leur terminale bac pro, ils quittent la voie scolaire et leur cursus se poursuit – en aval – via la voie de l’apprentissage. Dans ce cas, la seconde pro, bien que purement scolaire, a été aménagée. Elle a, par exemple, été renforcée en nombre de stages (douze au total), favorisant une première prise de contact avec des entreprises. Cette expérience acquise permet surtout ensuite aux apprenants de trouver plus facilement un contrat pour leurs deux années suivantes. Car la dernière réforme du bac pro engageait les entreprises pour trois ans, et c’était lourd pour les potentiels maîtres d’apprentissage.
Le lycée de Suscinio suit le même principe de parcours mixte scolaire/apprentissage pour le bac pro agroéquipements.
2.Des scolaires et des apprentis dans la même classe
Au sein du lycée de l’Aulne à Châteaulin, l’équipe pédagogique mise sur la mixité des publics.
Il y avait autrefois un bac pro horticole soit par apprentissage au CFA, soit par la voie scolaire au lycée. Avec désormais une difficulté accrue à remplir les classes dans chacune des voies.
Il n’était pas question d’en supprimer une plus qu’une autre, ni les deux, sachant qu’il y a toujours, côté employeurs, une tension dans le recrutement de salariés formés.
Par ailleurs, chaque année, des jeunes sont intéressés par une formation dans les filières du végétal, avec des aptitudes plutôt scolaires mais trop jeunes pour le travail, et pas assez mûrs pour l’apprentissage. Parallèlement, certains candidats aux formations font preuve d’une belle personnalité, avec de beaux projets professionnels, mais la voie scolaire classique n’est vraiment pas appropriée : ils ne progresseraient plus ou même arrêteraient les études.
Alors, à Châteaulin, les publics de scolaires ont été mélangés aux apprentis, dans la même classe. Avec un « taux exceptionnel de réussite de 100 % à l’examen en 2018 ».
« Nous avons ainsi pu sauver la filière, assure Isabelle Favé, enseignante du CFA de Kerliver et responsable d’innovation pédagogique. Nos classes sont généralement composées de scolaires, qui désormais incluent quelques apprentis. Les volumes horaires y sont donc différents : 35 heures par semaine pour les apprentis, 29 pour les scolaires. Les cours techniques se trouvent enrichis de l’expérience, du vécu des apprentis. La bonne cohabitation et l’intégration de ces apprenants aux profils si différents vont surtout dépendre d’une bonne phase d’accueil. Il a fallu également penser la pédagogie différemment. Une des solutions a été de travailler en mode projet. Ainsi, le français, les mathématiques… sont appréhendés au cours des chantiers de paysage. »
Il a fallu aussi convaincre les autres collègues enseignants, expliciter les spécificités de l’apprentissage… autant de tâches réalisées par Isabelle Favé et sa jeune collègue Florence Coste-Sireude, enseignante en anglais et communication au CFA de Kerliver.
3.Des apprentis et des adultes ensemble
Au CFA de Kerliver, des jeunes apprentis sont mélangés à des adultes en reconversion professionnelle pour la formation BTSA AP (aménagements paysagers). Les MIL (modules d’initiative locale) sont proposés aux apprentis, aux stagiaires adultes et aux scolaires du lycée de Châteaulin. Cette mixité nécessite la mise en place de temps bloqués pour associer les trois types de publics, ainsi que des déplacements.
Sinon, d’autres modules professionnels sont assurés en mixité de publics toujours pour le BTSA AP avec des apprentis et des stagiaires adultes du CFPPA, par exemple pour l’histoire des jardins.
4.Le défi de nouvelles méthodes d’enseignement
Ce n’est pas une décision simple d’associer des publics, des âges, des temps de présence aussi variés dans une même classe. Il y a eu un vrai travail d’innovation pédagogique. La réflexion a été menée avec la Draaf (Direction régionale de l’agriculture et de la forêt). D’autres établissements ont suivi : le CFA et le lycée du Mené, à Merdrignac (22), le lycée et le CFA du Talhouët, à Hennebont (56).
Même si le bac pro est beaucoup plus généraliste qu’autrefois, la mixité est également très intéressante dans la formation de ces futurs salariés et citoyens qui devront mieux se connaître pour mieux travailler ensemble ensuite dans les entreprises. « Tout cela repose sur une équipe qui adhère à la méthode, et sur les épaules de quelques enseignants-formateurs plus engagés dans la mise en œuvre du changement de pratiques et de conception de l’enseignement professionnel. Il nous faut beaucoup plus travailler en amont. C’est un vrai nouveau défi pour nous toutes et tous », conclut Isabelle Favé. Cette intégration de mixité a vocation à se développer. Prochaine étape : à la rentrée prochaine , le certificat de spécialisation arboriste élagueur, qui existe déjà en formation adulte, sera possible sous le statut d’apprenti, toujours dans la même classe. Ce CS est proposé dans les CFPPA et CFA de Kerliver.
Odile Maillard
*Formalisation de l’expérience pilote et témoignages sur « Réussir la mixité des publics apprentis et élèves en bac professionnel » : PDF à télécharger sur https://chlorofil.fr/fileadmin/user_upload/02-diplomes/pedagogie/op/op-belleville.pdf
**Ces trois établissements font partie de l’EPLEFPA (établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole) du Finistère.
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